Ils me cherchent. Ils me traquent. Ils sont à mes trousses. Leurs chiens ont perdu ma trace au bord de la rivière. Je me suis fait saumon pour leur échapper. Je remonte le courant jusqu’au lieu de ma naissance. Je ne crains plus rien à présent, sinon la lourde patte griffue de l’ours.

***

Je ne demande pas que la vie soit toujours trépidante, mais seulement parfois d’être surpris par l’heure qu’il est.

J’aime à dire en société que je n’ai pas la notion du temps, pour justifier mes retards incessants, mais je demeure convaincu au fond de moi d’être le seul à connaître le temps tel qu’il est vraiment.

***

La preuve que je n’ai pas un ego surdimensionné : il m’arrive de chercher mon chapeau alors qu’il est sur ma tête.

J’ai mis en œuvre différentes stratégies pour tenter de ralentir le temps. J’ai d’abord traîné des pieds, tout bêtement. Attitude qui s’est avérée contre-productive à long terme puisque je faisais le jeu du temps en usant plus rapidement mes semelles. Car l’usure, on le sait, est un chemin qu’aime à emprunter le temps pour nous atteindre.

***

On peut espérer que les Hommes un jour cesseront d’entraver son cours avec leurs rendez-vous, leurs projets, leurs événements et que le temps sera libre enfin, enfin libre d’aller.

Une nuit que j’étais seul dans cette vieille maison de campagne, je sentis pourtant comme une présence étrange qui m’empêchait de trouver le sommeil. Je me relevai donc et entrepris de fouiller la maison de fond en comble pour en avoir le cœur net. J’inspectai chaque pièce méticuleusement, derrière les portes, les rideaux, dans les placards, les armoires, partout où un intrus était susceptible de se cacher et ne trouvai rien. Je me résolus enfin à monter au grenier, et tandis que je fouillai l’obscurité avec le faisceau de ma lampe de poche, soudain, je tombai nez à nez – horreur ! – avec une araignée qui pendait au bout de son fil. Je n’avais donc pas rêvé, je n’étais pas seul dans cette maison.

***

Je n’aime guère pour ma part les poutres apparentes dont on vante toujours le charme. J’ai trop l’impression que la maison frime, qu’elle me montre ses muscles.

Il y a des coups de foudre, et il y a des séductions plus laborieuses qui s’apparentent davantage au fait de frotter deux silex pour allumer un feu.

***

L’arbre dans le vent qui retient ses feuilles comme autant de chapeaux.